Pourquoi sélectionne-t-on des mauvais managers ?
Les middle managers au cœur de l’étau
Éclaircissons un point de détails. Derrière les 26% de mauvais managers déclarés (Étude Time to Sign Off – 29.05.24), on parle principalement des managers en contact direct avec les équipes, soit, les middle managers.
Pourquoi les top managers ne sont que peu concernés par ce phénomène d’incompétence contrairement aux middle managers ?
Car on ne les choisit ni pour les mêmes raisons ni de la même manière. Généralement, les top managers sont des profils… de managers. C’est à dire qu’ils ont été formés au management, ou qu’ils ont eu des expériences significatives en tant que manager. On les recrute d’ailleurs sur des aptitudes managériales (leadership, intelligence relationnelle, gestion de projet…), là où un middle manager sera souvent promu pour son expertise métier : un excellent commercial est destiné à devenir responsable puis directeur commercial.
Le middle manager est confronté à la proximité terrain, alors que les top managers en sont structurellement plus éloignés. Il est donc plus simple et ancré pour eux de se détacher de leurs compétences métiers. On peut observer d’ailleurs dans les grandes entreprises des systèmes de rotations des top managers sur les fonctions (RH, Achat, Commerce, Finance, etc.). Ce qui nous semble impensable pour nos middle managers !
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La sélection de nos middle managers reposent uniquement sur l’expertise métier
On est beaucoup plus sensible à l’expertise métier et au parcours professionnel pour un middle manager car il doit manager des équipes sur le terrain. Nous faisons donc facilement un raccourci de pensée comme quoi des compétences fonctionnelles seraient une garantie d’un bon management.
Or, c’est là que le bât blesse. Un bon manager, c’est un manager qui a la capacité d’articuler ses aptitudes managériales en fonction de la situation, de l’enjeu et du collaborateur concerné. Nous en parlons plus longuement dans notre article Les 4 Styles de Management à adopter pour être un meilleur manager, mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’un bon manager doit être capable d’établir les conditions d’une coopération positive avec ses équipes. En aucun cas, on attend à ce qu’un manager soit meilleur que son collaborateur sur une tâche métier, ça devrait être même l’inverse !
Et en plus de l’erreur d’évaluation que nous pouvons faire en tant que responsable de nommer un expert métier en tant que manager, il est assez commun qu’on le perçoive comme la voie « logique » pour récompenser un collaborateur qui contribue à l’entreprise. C’est un schéma assez classique que nous déconstruisons peu car cette promotion est un symbole de reconnaissance fort. Mais où s’arrête ce cheminement ? C’est notamment ce que met en avant le Principe de Peter : on récompense un collaborateur pour sa réussite en lui donnant « une promotion ». Souvent le dernier grade est d’incarner le rôle d’un manager. Et, s’il s’avère être mauvais en tant que manager, il restera bloqué à ce poste. C’est-à-dire à son plus haut niveau d’incompétences.
Un mauvais manager est un manager qui passe trop de temps sur le terrain
Cette habitude de récompense par la voie managériale a des impacts forts pour l’entreprise. L’étude menée par Quarterly Journal of Economics sur la promotion de 1500 vendeurs (basée principalement sur des performances de ventes) a démontré que leur qualité de management est « inférieure de 30% à ce qu’elle pourrait être ».
Ce qu’il faut comprendre, c’est plus vous êtes un bon commercial, plus vous serez un mauvais manager. Et c’est logique tant que la structuration du poste d’un middle manager se concentre autour de son expertise métier.
Plus vous êtes un expert métier, plus vous serez un mauvais manager.
On attend une expertise métier importante pour un middle manager alors que son rôle structurel est de :
- communiquer la stratégie d’entreprise ;
- décliner la stratégie en une tactique opérationnelle ;
- définir des plans d’actions individuels ;
- manager les équipes.
Pourquoi les managers gardent-ils donc cette casquette métier alors que manager représente déjà une activité à temps plein ?
On a identifié 2 raisons principales dans nos recherches.
La 1ère est la mauvaise transition de poste. On laisse généralement plusieurs dossiers opérationnels au nouveau manager pour faciliter le transfert. Cela permet à son successeur de prendre ses marques et ne pas avoir des dossiers « trop compliqués » pour commencer, tout comme ça permet au manager de garder une activité sur lesquelles il a des « bons résultats ». On est l’impression que cet arrangement c’est du gagnant gagnant, alors qu’on empêche à son manager de dégager du temps pour exercer son activité.
La 2ème est la mauvaise gestion de crise. Les top managers poussent souvent les middle managers à aller sur le terrain pour gérer des sujets opérationnels : besoin de closer une affaire à plus de 20k €, faire une négociation fournisseur importante, préparer un brief avec une agence marketing… Les besoins sont vastes et les opportunités sont nombreuses. En tant qu’expert métier, il est difficile de dire non à quelque chose qu’on va bien réussir, que ce soit pour la performance de l’entreprise ou pour son propre reflet de réussite. Le problème réside dans le fait qu’il est difficile par la suite d’estimer quand est ce que le manager doit intervenir ou non. Et en faisant cela, on les limite dans leur apprentissage à devenir manager et on ne permet pas de les faire grandir.
Pourquoi un mauvais manager reste mauvais ?
Théoriquement, nous pourrions inverser la tendance en les faisant progresser sur la fonction. Mais ce principe est biaisé par le système que nous avons décrit plus haut : en ne promouvant que des experts métiers, nous n’avons aucune évaluation précise de leurs aptitudes managériales.
Cela veut dire que nous nommons managers des personnes qui ne sont pas faites pour ça (à date, car il est toujours possible de les former), ou pire, qui n’aiment pas ça !
Nous nommons managers des personnes qui n’aiment pas manager.
Et sans de programme de formation, ou d’accompagnement à la prise de poste (et soyons clairs, cela n’existe quasiment jamais), on n’aide pas nos middle managers à grandir et à devenir des bons managers. Au contraire, cela renforce leur présence sur le terrain. En étant bon sur le métier, et mauvais en tant que manager, il est assez naturel (et humain) de se tourner là où on est le meilleur et où on recevra de la reconnaissance pour son travail.
Au final, c’est le serpent qui se mord la queue : nous recrutons de mauvais managers qui resteront mauvais car ils sont meilleurs ailleurs.
Quelles alternatives pour éviter d’avoir de mauvais managers ?
Après avoir lu cet article, vous pensez sûrement que c’est plutôt simple : il suffit que j’évalue mieux mes collaborateurs avant de les promouvoir, et que je les forme à devenir manager ✌️.
C’est plus complexe que ça. N’oublions pas que nous nous servons de la promotion comme un symbole de reconnaissance et de réussite. Derrière une promotion, il faut comprendre augmentation de salaire, meilleur statut, plus de pouvoir d’achat, plus de reconnaissance, etc.
En coupant ce schéma directeur de mobilité interne, nous stoppons l’évolution de vos experts métiers. S’ils ne peuvent plus devenir managers, l’issue est assez évidente : ils n’auront plus accès à ce système de reconnaissance et vont partir pour saisir de meilleures opportunités.
Heureusement, la mobilité managériale – bien que trop souvent utilisée – n’est pas le seul moyen qui existe pour faire évoluer vos collaborateurs dans votre entreprise. Nous avons identifié 2 moyens pour éviter de nommer quelqu’un manager :
- Un enrichissement de poste
- Un système d’augmentation salarial
L’enrichissement de poste prend plusieurs formes. Vous pouvez créer un système d’expertise métier par niveau (par exemple vous commencez RH junior et vous finissez RH partner). Vous créez ainsi des paliers et un système d’évaluation précis pour valider l’évolution d’un collaborateur. A chaque palier franchi, votre collaborateur accède à un nouveau statut et à une nouvelle rémunération. Plutôt que de viser un management hiérarchique, vous mettez en place un management fonctionnel. Cela signifie que plus vous êtes haut dans les échelons, plus vous avez une expertise métier pointue.
De la même manière, vous pouvez créer des statuts transverses et confier des responsabilités à vos collaborateurs. Un statut de formateur ou de contributeur (à des projets internes par exemple) sont différents moyens pour apporter de nouvelles missions à un collaborateur et enrichir son poste sans passer par la case « mauvais manager » 😎.
Et pour répondre à un besoin d’augmentation de niveau de vie de vos collaborateurs, un système d’augmentation salarial est également intéressant. Basé sur un système d’évaluation précis (KPI métier, KPI de culture d’entreprise, etc.), par exemple semestriel, vous pouvez créer un système d’évolution de la rémunération automatique. Typiquement, après avoir validé 3 évaluations non consécutives, vous passez au package salarial suivant.
Bien sûr ce sont des systèmes à construire et à structurer pour qu’ils puissent s’intégrer dans votre organisation. Nous vous conseillons de parcourir les projets menés par notre Cabinet de Conseil System:Project si vous voulez vous en inspirer.
Cette approche est doublement gagnante. Non seulement vous ne perdez pas la performance de votre meilleur commercial, recruteur, etc. (ce qui va à l’encontre même du principe de création de valeur) et vous permettez à votre collaborateur de s’épanouir dans son métier (et par conséquences vous protégez également vos équipes qui seront managées par un meilleur manager).
Faisons en sorte que le middle management soit aussi incarné par des managers 😉.